Pourquoi tu danses quand tu marches ? d’Abdourahman A. Waberi

25ebc4a2-9dc6-4c3c-bdc1-02765e10d531

Titre : Pourquoi tu danses quand tu marches ?
Auteur : d’Abdourahman A. Waberi
Editeur : J-C. Lattès

 

RESUM

Un matin, sur le chemin de l’école maternelle, à Paris, une petite fille interroge son père : « Dis papa, pourquoi tu danses quand tu marches ? ». La question est innocente et grave. Pourquoi son père boite-t-il, pourquoi ne fait-il pas de vélo, de trottinette… ? Le père ne peut pas se dérober. Il faut raconter ce qui est arrivé à sa jambe, réveiller les souvenirs, retourner à Djibouti, au quartier du Château d’eau, au pays de l’enfance. Dans ce pays de lumière et de poussière, où la maladie, les fièvres d’abord puis cette jambe qui ne voulait plus tenir, l’ont rendu différent, unique. Il était le « gringalet » et « l’avorton » mais aussi le meilleur élève de l’école, le préféré de Madame Annick, son institutrice venue de France, un lecteur insatiable, le roi des dissertations.

Abdourahman Waberi se souvient du désert mouvant de Djibouti, de la mer Rouge, de la plage de la Siesta, des maisons en tôles d’aluminium de son quartier, de sa solitude immense et des figures qui l’ont marqué à jamais : Papa-la-Tige qui vendait des bibelots aux touristes, sa mère Zahra, tremblante, dure, silencieuse, sa grand-mère surnommée Cochise en hommage au chef indien parce qu’elle régnait sur la famille, la bonne Ladane, dont il était amoureux en secret. Il raconte le drame, ce moment qui a tout bouleversé, le combat qu’il a engagé ensuite et qui a fait de lui un homme qui sait le prix de la poésie, du silence, de la liberté, un homme qui danse toujours.

 

 

Avi2

« Si je me suis remémoré mon passé, si je me suis remis à sillonner une derrière fois les ruelles de mon enfance, c’était pour partager avec toi mon hier et son lot d’interrogations et d’angoisses. »

Si vous suivez régulièrement mes chroniques ou sur Instagram, vous avez surement compris que même si j’aime diversifier mes lectures, je reste quand même dans les genres assez standard, on va dire. Cette fois-ci j’ai essayé quelque chose de vraiment différent puisque j’ai demandé via Netgalley à pouvoir lire le roman « Pourquoi tu danses quand tu marches ? ». Grâce à cette plateforme et aux éditions Jean-Claude Lattès, j’ai pu le lire en version numérique. Je les remercie sincèrement pour m’avoir donné cette chance. Ainsi, je vais vous parler de ce beau roman qui m’a fait voyager vers les terres africaines, à Djibouti pendant les années 70-80.

Le roman débute très vite avec la question innocente d’une petite fille à son père sur le chemin de l’école : « Pourquoi tu danses quand tu marches ? ». Le père comprend très vite qu’il ne pourra plus se dérober. Il va devoir se replonger dans des souvenirs, parfois douloureux, qu’il avait enfouit depuis très longtemps. Pour répondre à sa fille et comprendre cette démarche particulière, on est conduit à Djibouti, dans les réminiscences d’enfance du père. On découvre en même temps que sa fille, toute sa famille, sa grand-mère à la figure de chef de tribu, son père peu présent, sa mère incapable de tendresse, puis plus tard son petit frère trop parfait. Sans oublier tout un village autour avec les voisins, les camarades de classes…

« Je devais étancher ma soif de lecture, affoler mes neurones, garder mon esprit en éveil. Je lisais tout ce qui me tombait entre les mains car mon appétit restait toujours vif. »

Au cœur de ces souvenirs, des personnages hauts en couleur, comme la grand-mère ou Madame Annick, l’institutrice admirée, qui vont l’aider à grandir et devenir cet homme passionné par les mots et les histoires. Tout au long de sa croissance des épreuves vont aussi l’affecter, des relations parfois difficiles avec ses camarades du quartier et de l’école, avec des railleries, des mésaventures et un traumatisme d’enfance, une blessure qui marquera à jamais la vie du narrateur. J’ai bien aimé suivre l’enfance de ce père et comprendre l’origine de cette démarche chaloupée qui intrigue tant sa fille. J’ai été peinée dans ma lecture pour cet enfant timide, mal dans sa peau et qui a été rejeté pour sa différence. Mais l’écriture est telle que je ne me suis pas sentie concernée non plus et j’ai eu du mal m’attaché au narrateur. Par contre, j’ai bien aimé la grand-mère Cochiche, sa sagesse et sa force de caractère qui m’a rappelé la mienne qui me manque terriblement.

« La nuit, sous la voûte céleste aux mille étoiles, rien n’est plus exaltant, plus dépaysant que cet univers qui semblait contenir tous les autres : terres, continents et océans. »

Le roman est agréable à lire, même si le récit est parfois décousu et c’est en lien avec le travail de remémoration de cette enfance à Djibouti. Le tableau est vivant, coloré, et dépaysant pour nous faire découvrir des paysages africains, du sol poussiéreux du désert de Djibouti, aux courses bruyantes dans les ruelles, et aux marchés remplis d’odeurs et de marchandises exotiques. C’était beau, tendre et poétique ! Par contre le style d’écriture d’Abdourahman A. Waberi est particulier, dans la manière qu’est racontée l’histoire, le narrateur conte à sa fille avec une certaine distance et il m’a manqué un peu d’émotion. L’auteure aborde des sujets très sensibles, tel que l’amour filiale, ou cette mise à l’écart que subisse les personnes à part, handicapé en Afrique. Mais de mon point de vue ça manquait de profondeur qui m’aurait permis de plus m’attacher aux personnages et de m’émouvoir encore plus au récit.

« Pourquoi tu danses quand tu marches ? », c’est l’histoire touchante d’un père qui raconte son passé à sa fille et se réconcilie avec celui-ci. Le parcours courageux d’un enfant différent en difficulté qui a pu s’évader, s’affranchir et se forger son identité grâce à son amour pour les mots, à la langue française et à la littérature. Un récit sur la transmission avec de belles leçons de vies. Une belle lecture !

« Je m’appelle Aden Robleh. Les enfants de mon quartier, eux, m’appelaient le Gringalet ou l’Avorton. Ces quolibets m’ont longtemps servi de carte d’identité. Ce passé a été ma prison. Je veux désormais le remettre à distance. M’en libérer. »

 

Capture d’écran 2019-07-04 à 20.52.58

Laisser un commentaire